Les Hommes Libres

De Ismaël Ferroukhi
France - 2011 - 99'
Synopsis
42, Paris est occupée par les Allemands. Younes, un jeune émigré algérien, vit du marché noir. Arrêté par la police française, Younes accepte d’espionner pour leur compte à la Mosquée de Paris. La police soupçonne en effet les responsables de la Mosquée, dont le Recteur, Si Kaddour Ben Ghabrit, de délivrer de faux-papiers à des Juifs et à des résistants. A la mosquée, Younes rencontre le chanteur d’origine algérienne Salim Halali. Touché par sa voix et sa personnalité, Younes se lie d’amitié avec lui. Il découvre rapidement que Salim est juif. Malgré les risques encourus, Younes met alors un terme à sa collaboration avec la police. Face à la barbarie qui l’entoure, Younes, l’ouvrier immigré et sans éducation politique, se métamorphose progressivement en militant de la liberté.
Critique
Il aurait pu rester un héros très discret dans le Paris occupé de 1942. Le destin en aura décidé autrement. Younès (Tahar Rahim sobre et pénétrant), immigré algérien débarqué à Paris en 1939, vit d'expédients et surtout du marché noir. Arrêté par la police, il est contraint d'espionner toutes les allées et venues à la Grande Mosquée de Paris. En effet, le commissaire soupçonne le recteur, Si Kaddour Benghabrit (extraordinaire Michael Lonsdale), de délivrer des faux papiers à des Juifs et des résistants… Inspiré de faits réels, Les Hommes libres d'Ismaël Ferroukhi aborde avec justesse et souffle un aspect méconnu de la Seconde Guerre mondiale. La Grande Mosquée de Paris a servi de lieu de résistance pour les musulmans vivant en France. Les Algériens des Francs-tireurs partisans (FTP) avaient pour mission de secourir et de protéger les parachutistes britanniques et de leur trouver un abri. Ils ont par la suite porté assistance à des familles juives en les hébergeant dans la mosquée et en leur fournissant de faux papiers. Dense, grave et tendu, tourné avec le classicisme revendiqué d'un film de guerre, Les Hommes libres reconstitue à merveille une atmosphère et une époque. La mort rôde dans les jardins lumineux de la Mosquée. Les jets d'eau apaisants seront bientôt troublés par les bruits de bottes. Derrière les moucharabiehs, un tragique ballet d'espions et de résistants va s'orchestrer sur une musique envoûtante où perce la belle voix aux modulations suaves de Salim Halali, un jeune Juif qui se fait passer pour un Arabe. Au centre du jeu de dupes, Michael Lonsdale, impérial, mais malin comme un vieux renard, joue les maestros, sachant que la moindre fausse note peut lui être fatale. Dans l'enceinte lumineuse et apaisée de ce lieu extraordinaire, sous le hammam ou en marge des salles de prière, Younès va alors devenir un héros malgré lui. À la façon d'Indigènes de Rachid Bouchareb, le film d'Ismaël Ferroukhi met en lumière un épisode oublié de la Seconde Guerre mondiale.