Michael

De Markus Schleinzer
Autriche - 2011 - 96'
Synopsis
MICHAEL décrit les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang, 10 ans et Michael, 35 ans. Lundi 21 novembre. : 20H00, en présence du réalisateur
Critique
Attention à la confusion homonymique ! Il y a au moins quatre Michael ici : le titre du film, le prénom de l’un des personnages principaux, celui de l’acteur qui l’interprète, et enfin celui de Haneke, boussole possible de ce premier film de Markus Schleinzer. Cet empilement de signifiants pourrait être indigeste d’autant que le sujet du film arrive là-dessus comme une Sachertorte avec double louche de crème fouettée : le quotidien d’un homme de 35 ans qui séquestre un garçon de 10 ans. Ach ! l’Autriche, ses faits divers atroces, son étouffante bourgeoisie, son provincialisme sclérosant, son cinéma ultraformaliste et outrancièrement transgressif. Les premières minutes de Michael semblent ne pas contredire ces préjugés : jeu minimal des acteurs, décors d’une banale laideur, plans tracés au cutter, montage sec comme une schlague. Comme disait Luis Rego dans un sketch : 'Il fait 2°, je transpire !' Pourtant, on s’installe dans le film, on finit même par être scotché. Ce n’est certes pas un roller-coaster à la Spielberg, c’est beaucoup plus fort. Un empilement de micro-suspense à mèche longue, du genre : que va faire Michael au petit Wolfgang ? Comment Michael va-t-il masquer son forfait sur la durée ? Mais ces questions s’effacent à leur tour devant le vrai sujet du film, la banalité du mal. Car le propre de Michael le personnage, et la vraie qualité de Michael le film, c’est que rien de spectaculaire ne se produit, ce en quoi Markus Schleinzer se rapprocherait plutôt du nouveau cinéma allemand que d’un Haneke coutumier du coup de force plus ou moins démonstratif. Schleinzer préfère montrer que démontrer. Dans un monde cossu et aliénant, où tout est standardisé à se pendre, se déroule la double vie étrange d’un homme employé de banque modèle le jour, séquestreur pédophile la nuit. Un genre de descendant dégénéré de Kafka. Le plus étonnant, ce sont les relations entre Michael et Wolfgang, mélange atrocement doucereux et indéterminé de liens père-fils, grand frère-petit frère, prédateur-proie. Michael séquestre Wolfgang mais ne le brutalise pas. Il a même des gestes d’amour envers lui, et l’enfant semble parfois s’en accommoder. Avec un calme et une précision impressionnants, sans jamais rien appuyer, Markus Schleinzer défie nos repères moraux, évitant d’enfoncer les portes ouvertes du sentimentalisme ou de la dénonciation. Le film a l’intelligence suprême de ne pas énoncer de jugement moral à la place du spectateur, tenant fièrement sa ligne comportementaliste, menant à bien son projet casse-gueule sans jamais se casser la gueule. Serge Kaganski, Les Inrockuptibles