Rosetta

De Jean-Pierre et Luc Dardenne
Belgique - 1999 - vost - 90' - Couleurs - 35mm
Synopsis

Rosetta mène tous les jours une guerre sans relâche. Une guerre pour trouver du travail, une place qu'elle perd, qu'elle retrouve, qu'on lui prend, qu'elle reprend, obsédée par la peur de disparaitre, par la honte d'être une déplacée. Elle voudrait une vie "normale" …

Critique

Dès la première image, Rosetta court et se bat, et le film à ses côtés. Elle travaillait à l’essai, le chef du personnel de l’usine vient de lui signifier son congé. Elle est enragée, il faut la mettre dehors de force. Dehors, elle court encore comme on se bagarre, pour traverser la route, rejoindre le camping où elle vit dans une caravane, affronter sa mère alcoolique qui couche pour une bouteille…

Rosetta, ce n’est pas la fureur de vivre, seulement la furia de survivre. C’est une guérillera du quotidien, avec ses caches, ses passages, ses embuscades pour tenir la défaite à distance. Rosetta, adolescente au ventre douloureux de fringales indicibles ou de grossesses inavouables, au visage parfois marqué comme celui d’une femme qui aurait déjà trop vécu et parfois encore tout arrondi d’enfance. Elle braconne les truites, revend les habits donnés, court les embauches. On sent que, si elle s’arrêtait, elle tomberait, elle se décomposerait.

Rosetta est le film où Luc et Jean-Pierre Dardenne cherchent – littéralement – à prendre de vitesse le sempiternel défi de la représentation. Forts de leur connaissance du milieu dans lequel se déroule leur film, celui des marginaux, les frères Dardenne tentent cette fusion inédite de l’héroïne et du film en un objet à la fois plastique et charnel.

Longtemps, l’action se résume à un seul ressort : trouver du boulot. Pour accéder d’un coup à l’argent et surtout à une certaine normalité d’existence. Il ne faut pas accepter l’aumône, pas mendier, pas faire confiance à ce garçon amical qui essaie de l’aider, pas renoncer à sortir sa mère de son néant mental et moral.

Rosetta est un film sans métaphore. Ou plutôt le parti pris radical des réalisateurs révoque l’arsenal littéraire du récit et ses discutables réutilisations au cinéma ; au passage, il annihile les dangers du « discours sur… », du misérabilisme, de la bonne conscience, de la dénonciation édifiante. (...)

Jean-Michel Frodon, Le Monde

Projeté dans le cadre de

Du 10 Janvier 2018 au 18 Janvier 2018
Un double souffle