Le Dernier des injustes

Et si le film le plus fort du dernier Festival de Cannes avait été ce documentaire présenté hors compétition? Claude Lanzmann n'y fait pas qu'accommoder les restes de son fameux Shoah de 1985. En exhumant le témoignage à l'époque écarté de Benjamin Murmelstein, dernier président du «conseil juif» du ghetto de Theresienstadt et seul «doyen des juifs» à avoir survécu à la guerre, il propose une nouvelle plongée au cœur de l'horreur nazie. Parallèlement à ce document tourné à Rome en 1975, le cinéaste octogénaire se filme retournant en République tchèque sur les lieux de ce «ghetto modèle» destiné à leurrer le monde. En émerge un film-pèlerinage qui embrasse à nouveau toute l'histoire de la solution finale. Mais le formidable récit de cet homme qui lutta durant sept années, réussissant à faire émigrer 121 000 juifs et à éviter la liquidation de son ghetto – camp de concentration, est aussi de nature à remettre en cause certaines idées reçues de Hannah Arendt (pas si banal, Adolf Eichmann!). Passionnant, bouleversant, essentiel, un film dont on ne sort pas indemne!

Norbert Creutz, Le Temps