L'Homme qui en savait trop

De Alfred Hitchcock
Etats-Unis - 1956 - vost - 120' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Le docteur Ben McKenna, sa femme Jo et leur fils Hank sont en vacances au Maroc. Dans un autocar, ils se lient avec un Français, Louis Bernard. A Marrakech, ils rencontrent les Drayton, un couple anglais qu'ils retrouvent après que Bernard ait annulé un dîner avec eux. Le lendemain, en plein marché, un Arabe est poignardé sous leurs yeux...

Critique

On pourrait dire qu'il s'agit du plus réussi des exercices de style d'Hitchcock si ses exercices de style n'étaient aussi le plus souvent des sortes d'exercices spirituels. L'un des secrets de l'art d'Hitchcock est en effet de lester ses divertissements les plus brillants d'une bonne dose de gravité qui enchaîne inexorablement le spectateur à l'intrigue. Que ce spectateur soit pleinement conscient de cette gravité n'est pas indispensable à la réussite du processus cathartique recherché par l'auteur. En 1947, Hitchcock pouvait ainsi déclarer «Je suis prêt à donner au public des chocs émotionnels tout à fait sains.» La gravité s'exprime ici selon deux lignes de force principales. La première concerne le calvaire de l'héroïne (pas si éloigné, malgré les apparences, de celui du héros du film suivant d'Hitchcock, Le faux coupable, expiant une faute qu'il n'a pas individuellement commise). Ce calvaire commence avec la scène superbe; où James Stewart oblige Doris Day à prendre un somnifère avant de lui annoncer la nouvelle de la disparition de son fils. La seconde ligne de force consiste en une série de confrontations des deux héros avec le mal, avec Satan. La plupart des intrigues d'Hitchcock sont le lieu privilégié de telles confrontations (voir ici les retrouvailles des McKenna et des Drayton dans l'église). Cette gravité apparaissant au milieu d'une multitude de notations pittoresques et plaisantes est l'enjeu réel du suspense, beaucoup plus que le sort d'un enfant dont chacun sait bien qu'il sera libéré au dénouement. La mise en place du suspense repose formellement sur une exploration minutieuse, géométrique de l'espace et implique ici des scènes assez longues, le refus de la litote, un approfondissement de la psychologie des personnages et surtout des victimes. Les espaces vides sont particulièrement porteurs d'inquiétude et d'angoisse (cf. la rue menant à la boutique d'Ambrose Chapel, l'église pleine de chaises vides où se retrouve James Stewart à la fin du service) L'originalité spécifique de ce film à l'intérieur de l'œuvre d'Hitchcock tient dans le rôle dramatique essentiel dévolu au son. Aux moments cruciaux du récit, des appels et des cris, le chant, le sifflement, la musique constituent des modulations particulièrement efficaces inventives du suspense.

N.B. La première version de 1934 inaugura le genre «divertissement d'espionnage» dans l'œuvre d'Hitchcock. Bien qu'il s'agisse d'un des moins bons films anglais de l'auteur, il est donc important à ce titre. Par rapport à la version de 1956, ce n'est qu'un brouillon superficiel et immature. (…) Encore très marqué par l'influence de l'expressionnisme et des films muets de Fritz Lang, L'homme qui en savait trop de 1934 est dépourvu de la plupart des éléments originaux qui constituent le génie du remake (mélange savant du plaisant et du grave, mise en valeur du personnage de la mère, etc.)…

Jacques Lourcelles

Projeté dans le cadre de

Du 29 Janvier 2018 au 7 Mars 2018