Le Journal d'une femme de chambre
À la fin des années 1920. Un train s'arrête dans une petite gare normande. Célestine, la nouvelle bonne du vénérable Monsieur Rabour, en descend. Joseph, un domestique antipathique, la mène en carriole jusqu'à la propriété bourgeoise du Prieuré. Bientôt, Célestine n'ignore plus rien des travers de chacun...
Jeanne Moreau interprète ce personnage énigmatique avec une justesse troublante, véritable clef de voûte d'un film sans concessions, qui dresse un portrait acerbe de la classe dominante des années 1920. Un film aux multiples richesses, qui mérite d'être vu et revu.
Le film suit le regard ironique et acéré de Célestine, souris malicieuse qui vit dans les couloirs et respire des bouffées d'air vicié à chaque porte qui s'ouvre. La maison où la jeune femme officie ressemble à une prison cossue, où Buñuel se réjouit d'avoir coffré tous les représentants d'une société qu'il exècre : les bourgeois, incapables de connaître le plaisir, les gens d'Eglise, mielleux et frustrés (impayable apparition de Jean-Claude Carrière !), et le petit peuple d'extrême droite, visqueux et cruel.(...) Le détachement cynique de Jeanne Moreau fait ici merveille. Le « Merde ! » qu'elle profère sans crier gare, d'une voix insolente et cristalline, est un véritable régal.
Marine Landrot, Télérama