L'Arrangement

De Elia Kazan
Etats-Unis - 1969 - vost - 125' - Couleurs
Synopsis

Eddie Anderson a apparamment tout pour être heureux : publiciste talentueux, marié à une femme belle et intelligente, Florence, leur aisance matérielle leur garantit une vie sans problème. 
Mais un accident de voiture qui n'est peut-être pas dû au hasard va tout changer...

Critique

L'Arrangement reprend et prolonge les résonances de Splendor in the Grass (La Fièvre dans le Sang), qui se terminait par une visite inoubliable des ruines du temps, visite qui inspirait à Kazan des accents dont on doit penser qu'ils constituaient le degré le plus fort, le plus élevé certainement le plus essentiel de son génie. Le noyau, I'infinie beauté de I'entité de ce dernier film ne se situera pas à un autre niveau.

Cependant, avant d'être une méditation sur le temps, L'Arrangement est d'abord le constat lucide de I'échec provisoire d'une vie, la mise à nu et la faillite d'une forme de bonheur ou I'homme n'aspire qu'à la quiétude de I'animal repu (…).

C'est à la suite d'un «accident» qu'Eddie fera une rencontre décisive avec la mort, rencontre qui sera surtout son premier rendez-vous avec lui-même et sa première prise de conscience du temps. Les scènes de la convalescence sont à ce sujet d'une force expressive peu commune. Avec une rare maîtrise, Kazan utilise toutes les ressources du cinéma, inondant de lumière le visage fatigue de Kirk Douglas, cherchant, immobile au bord de sa piscine trop luxueuse, sous un ciel trop bleu, une réponse au sens profond de sa vie.  Cette réponse, il l’a trouvera au cours d'un engagement terrible avec lui-même, interrogeant les visages du passé, revivant les conflits d'autrefois, évitant surtout de s'apitoyer sur le temps perdu car «nous ne pleurerons pas, mais retrouverons plutôt notre force en ce qui nous reste», disait déjà Natalie Wood dans les dernières secondes de Splendor in the Grass.

La mémoire occupant dans cette découverte de la «vraie vie» une place privilégiée, la seule psychologie nécessaire à la compréhension de I'œuvre sera celle du temps, ce temps qui s'inscrit déjà dans la séquence d'ouverture mais comme une notion superficielle à laquelle on ne fait guère attention, le temps conventionnel du compte à rebours de Cap Kennedy qu'égrène le speaker de la télévision. Cette présence extérieure, abstraite du temps, Kazan va la porter au cœur du film et I'incarner dans une relation de cause à effet qui deviendra I'élément moteur du dynamisme interne de I'œuvre à l'origine de la souffrance d'Eddie, le temps sera aussi I'instrument de son salut.

Ce temps qui blanchit les tempes de Kirk Douglas est aussi celui qui écaille la peinture des escaliers de la maison paternelle, celui qui accompagne la mère d'Eddie s'éloignant comme dans un songe, baignée par la lumière du couchant vers cet océan barré par une palissade délabrée, celui qui ramène comme un écho lointain le son des guitares d'Anatolie. Mais c'est aussi le temps des erreurs, des lâchetés, des trahisons.

Kazan nous fait les témoins d'une succession d'agonies qu'il découvre dans chaque flash-back, agonies qui se répondent entre elles comme des accents douloureux jusqu'à cet ultime regard de Kirk Douglas vers le néant que le cinéaste fige dans un plan fixe jusqu'au déroulement complet du générique de fin.

 Jean-Claude Guiguet

 

Projeté dans le cadre de

Du 20 Juillet 2016 au 23 Août 2016
Un géant d'Hollywood