Peur de rien

De Danielle Arbid
France - 2015 - vost - 120' - Couleurs
Synopsis

Les années 90. Lina, 18 ans, débarque à Paris pour ses études. Elle vient chercher ce qu’elle n’a jamais trouvé au Liban, son pays d’origine : une certaine forme de liberté. L’instinct de survie comme seul bagage, elle vogue d’un Paris à l’autre au rythme de ses rencontres amoureuses. Parce qu’à 18 ans, on rêve d’embrasser le monde et pas qu’un seul garçon...

 

Critique

Elle est belle à ravir mais semble l'ignorer. En 1993, Lina, libanaise de 18 ans, arrive à Paris pour y suivre ses études. Elle n'y connaît personne, à part une tante et un oncle, lequel tente un soir d'abuser d'elle. Elle résiste, s'enfuit. Pas de quoi va briser l'allant de Lina, aiguillonnée par la liberté que lui offre Paris. Ce « tout est possible » donne son énergie au film, à forte teneur autobiographique.

De Danielle Arbid, on avait aimé Dans les champs de bataille (2004), chronique personnelle sur la vie d'une jeune fille à Beyrouth, en temps de guerre. Entre-temps, la réalisatrice franco-libanaise a touché un peu à tout, voguant entre essai expérimental et fiction, aimant parfois se perdre (Un homme perdu, avec Melvil Poupaud). Une brebis égarée dans Paname, voilà ce qu'est d'ailleurs Lina au début. Mais la candide apprend à trouver ses marques. Peur de rien est un récit d'initiation, sentimentale et culturelle. De petits boulots en études, l'héroïne s'accroche, subit des galères liées à sa carte de séjour et à l'ordre répressif sous Charles Pasqua, mais elle ne se laisse pas abattre. L'action file, s'appuie sur une succession de rencontres décisives, variées, insolites, de celles qui forgent la confiance ou exaltent l'existence. Sans oeillères, Lina traverse les classes sociales, fréquente des royalistes comme des anars situationnistes. Elle aime surtout comme un Julien Sorel au féminin : un homme marié plein aux as, puis un garçon de café dingue de rock. La musique aussi est vitale : elle propulse. Frank Black (qu'on voit en concert), Siouxsie and the Banshees, Carte de Séjour et Niagara sont par-faitement synchrones avec ce qui est raconté, sur cette époque proche mais déjà révolue.

Peur de rien bénéficie d'une distribution enthousiasmante. Outre la jeune Manal Issa, révélation du film, beauté racée et délicate qui n'avait jamais joué jusque-là, on compte toute une jeune garde (Vincent Lacoste, Paul Hamy, Damien Chapelle) ainsi que deux grands comédiens confirmés (Dominique Blanc et Alain Libolt), dans de beaux seconds rôles de profs de fac stimulants... Le film sonne finalement comme l'hommage d'une immigrée à la France. Beau geste, surtout par ces temps troublés.

Jacques Morice, Télérama