L'Histoire du géant timide

De Dagur Kári Pétursson
Islande, Danemark - 2015 - vost - 96' - Couleurs
Synopsis

C'est l'histoire d'un géant timide, ou comment Füsi, colosse maladroit, englué dans un quotidien morose, va bouleverser sa vie, par amour...

> Article paru dans Le Temps du 4 mai 2016

> Article paru dans La Tribune de Genève du 4 mai 2016

 

Critique

Il fallait savoir comment le filmer, ce géant-là. Il s'appelle Fúsi et vit seul avec sa mère, qu'il aurait dû quitter depuis très longtemps. Il joue avec des soldats de plomb à reconstituer des batailles de la Seconde Guerre mondiale. Parfois, il s'amuse avec une voiture téléguidée. Le voisin du dessous le prend pour un pédophile. A l'aéroport de Reykjavík, où il est bagagiste, des collègues le charrient méchamment, parce qu'il est énorme, et peut-être encore vierge. Fúsi est pourtant, à l'écran, tout le contraire d'un cas. Interprété par l'étonnant Gunnar Jónsson et regardé avec une tendresse magnifique, c'est un rêveur. Une masse de douceur et de solitude qui encaisse trop bien les coups.

Chaque plan de ce film a la justesse nécessaire pour dire la lourdeur de la vie sans s'appesantir. Pour raconter, sans larmoiement, comment on retrouve la légèreté en volant de ses propres ailes. Et pour dire l'amour, qui va surgir sous les traits d'une femme si fragile qu'elle pourrait se briser. Elle était fleuriste, elle est devenue éboueuse et balance entre grâce et ­déchéance. Dagur Kári, l'auteur de Nói Albinói (2003), sait admirablement ­tenir sa caméra à la frontière de l'humour consolateur et du désespoir impossible à avouer. Cet Islandais a même, comme son Fúsi, presque trop de modestie, de retenue. Au dernier festival de Tribeca, L'Histoire du géant timide a reçu le prix du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario. Mais Dagur Kári n'est pas monté sur scène : il était déjà reparti, persuadé de n'avoir convaincu personne...

Frédéric Strauss, Télérama