Bella addormentata

De Marco Bellocchio
Italie, France - 2012 - vost - 115'
Synopsis

Une mosaïque de petites histoires qui s'imbriquent et forment ensemble un film qui pose les grandes questions, la vie, la mort, l'amour. Le tout autour des six derniers jours de la vie d'Eluana Englaro, une jeune femme qui passa 17 ans dans le coma. La belle endormie, qui bénéficie de l'interprétation d'Alba Rohrwacher, d'Isabelle Huppert et de Toni Servillo, est inédit en Suisse. 

La séance du samedi 7 novembre à 21h30 sera présentée par Marco Bellocchio et suivie d'une séance de questions/réponses avec le réalisateur.

Critique

Voilà Bellocchio de retour, celui de La nourrice, Buongiorno notte ou Vincere, le maestro du cinéma italien qui n’a pas son pareil pour porter un regard sobre et incisif sur la société qui l’entoure. En s’intéressant au drame d’Eluana Englaro, dont la fin de vie après 17 ans plongée dans le coma, provoqua une crise politique et sociale dans un pays empli de religiosité, il s’écarte de la Une des presses de l’époque pour construire des histoires personnelles périphériques et complexes qui tournent autour du thème central du droit à la mort.
Toxicomane suicidaire récidiviste qu’un médecin s’entête à vouloir garder en vie, belle endormie de Disney couvée par sa mère actrice qui refuse de couper le cordon respiratoire (Huppert encore incroyable), combat d’une fille religieuse contre les convictions de son père sénateur qui dissimule des plaies non pansées alors qu’il assistait à l’agonie douloureuse de son épouse bien-aimée sur son lit d’hôpital...
Avec une effervescence constante qui nous emporte au plus loin du souffle global de contestation, de lutte ou de renoncement, Bellocchio renvoie les pensées politiques, religieuses, morales, les unes aux autres, pour ne garder que le facteur humain. La complexité des réflexions multiples, entre protagonistes centraux et secondaires, n’a d’égal que celle de la structure chorale choisie par le cinéaste qu’il sait pourtant adroitement agencer. La ferveur que l’on ressent, que ce soit celle d’individus envers des convictions mystiques, philosophiques, médicales ou familiales, convoquent immédiatement une universalité qui fait basculer les frontières. Qu’elles soient étatiques, privées ou personnelles.
On ressort profondément ému par ce grand ballet d’émotions saisissantes. Alors que la nation se déchire sur des préoccupations morbides qui donnent un ton solennel au film, l’on sent pourtant poindre des passions amoureuses, viscérales et toujours ancrées dans une humanité bouleversante. Comme si le temps était à la réconciliation générale : l’amour contre-nature entre une jeune femme catholique et un non-croyant au frère bipolaire nerveusement engagé contre l’Eglise, ou l’amour presque irrationnel du médecin pour sa "belle endormie" à lui, gisant prisonnière sur un lit d’hôpital et qui n’a de cesse que de se défenestrer... Avec un talent de composition pictural digne d’un peintre, Bellocchio se saisit aussi de la bande-son pour amplifier les tourments de ses protagonistes dans un cadre systématiquement en ébullition, mais dont il évacue toute gratuité mélodramatique. Avec La Belle Endormie, titre signifiant pour une telle splendeur cinématographique, le cinéaste italien de 72 ans pose un jalon majeur dans son impressionnante filmographie et livre l’un des plus beaux objets filmiques de 2013.

Frédéric Mignard, À voir à lire

Projeté dans le cadre de

Du 6 Novembre 2015 au 17 Novembre 2015
Histoire(s) d'Italie